L'été est une période agréable où l'on peut partir en vacances et prendre du repos. Pour ceux qui sont déjà ou pas encore partis, c'est aussi une période révélatrice de l'“indispensabilité” de certains collègues.
Si on trace le schéma du cycle de développement classique, on trouve ces activités de base :
Notre logiciel ne peut donc être fourni avec une qualité satisfaisante que si toutes les étapes de cette chaîne de travail sont exécutées avec une qualité irréprochable. Si l'on en croit la théorie du chaos, un battement d'aile de papillon sur vos exigences pourrait déclencher une tempête sur les tests…
Pour diminuer ce risque de propagation d'erreur, on peut former des équipes spécialisées à chaque tâche en tentant de faire tendre la qualité vers la perfection. Des papillons, il y en a alors de toutes sortes dans ce cycle : canal de communication inadapté (canal documentaire), brouillage du signal (différentes interprétations), querelles de chapelles entre équipes…
Pour que cette vision s'imprime mieux dans la réalité, ajoutons la dimension “temps”: <img class=“alignright size-full wp-image-654” title=“classical-activities-in-planning” src=“http://blog.valtech.fr/wp-content/uploads/classical-activities-in-planning.png” alt=“Les activités du développement logiciel dans un planning d'équipes spécialisées.” width=“500” height=“193” />
Cette vue assez simplifiée montre que l'on paye forcément un coût lié à l'asynchronisme des plannings des équipes pour traiter les activités de notre projet.
La spécialisation est rassurante, elle permet de faire rentrer les gens dans des cases. On croit aussi que les gens aiment être spécialisés et indispensables. Si on peut être flatté d'être indispensable au bon déroulement d'un projet dans un premier temps, la perspective d'être appelé au beau milieu de ses vacances pour la livraison d'un patch devrait inciter tout le monde à tout faire pour partager sa connaissance. De plus, les profils ayant le goût d'apprendre et donc attirés par la polyvalence ne sont pas si rares que ça. Avez-vous seulement déjà posé la question aux membres de vos équipes ?
Dans l'univers managérial, le partage de connaissance est vécu comme une source de coût. Il est identifiable par le temps que les collaborateurs passent à communiquer sans produire de valeur ajoutée. Mais la sur-spécialisation a aussi un coût : silos de compétence, isolation, perfectionnisme, perte du sens des réalités.
Spécialisation vs Polyvalence
Le tableau suivant résume les arguments issus de discussions de la mailing-list des praticiens XP depuis 2004 ! Au passage, j'en profite pour souligner la qualité et la profondeur des échanges sur cette liste. Et d'ailleurs le sujet revient sur le devant de la scène en cette fin juillet 2010.
pour la spécialisation | pour la polyvalence | |||
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Processus en chaîne d'activités traités par des équipes spécialisées | Avantage: Renforce la collaboration avec un modèle client/fournisseur entre chaque activité | Critique: Perte de la vision globale de la valeur créée pour son client par focalisation sur son activité de spécialiste, risque de ne pas produire le produit attendu | ||
Qualité | Avantage: Maintien de la qualité par une collaboration entre clients et fournisseurs sur chaque activité | Critique: Hypothèse de la chaîne de travail : les imperfections se cumulent le long de la chaîne du "travail en aveugle" (ex. perte d'information) : fragilité du processus; à l'extrême, risque d'exiger "trop" de son fournisseur et de produire "trop bien" (i.e. inadéquation du niveau de qualité) | ||
Délais | Avantage: Économie du temps consommé à maintenir une équipe polyvalente | Critique: Mise en attente entre chaque activité (planning d'équipes spécialisées désynchronisées) puis temps de remise dans le contexte, apparition de goulot d'étranglements | ||
Valeur ajoutée | Critique: Le coût de la formation continue d'une équipe polyvalente est un gaspillage pour le projet. | Critique: Le délai de transition dans la transition d'une activité à l'autre est un gaspillage pour le projet. | ||
Polyvalence/performance | Critique: Les profils polyvalents ne sont pas répandus, ou chers | Avantage: C'est dans la culture de se spécialiser mais on peut toujours trouver des volontaires à la polyvalence. | ||
Polyvalence/performance | Avantage: Les spécialistes sont plus efficaces et performants que les généralistes | Critique: La performance du spécialiste a-t-elle vraiment plus de valeur si on ne sait pas comment intégrer cette valeur au produit ? De plus, il n'est pas nécessaire de demander des compétences de niveau égal dans tous les domaines. | ||
Analogies | Le Taylorisme, c'est bien (cf industrie) | Le Taylorisme, ce n'est pas bien (cf Toyota) | ||
Dynamique d'équipe | Avantage: Les spécialistes forment une communauté soudée sur le domaine | Critique: Au contraire dans une équipe polyvalente, les membres de l'équipe doivent s'entraider pour diffuser les compétences au service du client : émulation | ||
Engagement | Avantage: Le spécialiste est naturellement engagé dans sa tâche puisqu'il est spécialiste en la matière |
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Absences | Avantage: Plusieurs spécialistes peuvent se remplacer en cas d'absence |
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Collaboration | Critique: Non prévalente. On focalise peu sur les objectifs des projets, on va plutôt gérer les priorités entre les projets en parallèle dans les équipes spécialisées. |
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Économique | Avantage: On gagne de l'argent car on maximise l'utilisation des ressources (paradigme du taylorisme) | Avantage: On gagne de l'argent car on maximise la valeur produite au cours du temps alloué jusqu'à la mise en production / sur le marché. |
Conclusion
Personne ne vous demande de vous ranger d'un côté ou de l'autre. Ajoutons qu'il est dangereux de créer de fausses dichotomies. Cependant, ce tableau peut vous aider à vous positionner sur cette échelle.
L'agilité a un penchant naturel pour les équipes polyvalentes. Lorsque la spécialisation est nécessaire, il va falloir faire en sorte de conserver les propriétés qui font du projet agile un projet gagnant : focalisation projet par la constitution d'une équipe et communication. On peut donc commencer par élire un collaborateur assez polyvalent chargé de lever des alertes en cas de difficultés (vues divergentes de spécialistes ou goulots d'étranglement). En effet, loin de rechercher l'uniformisation des compétences, on recherchera plutôt la complémentarité en bâtissant des équipes pluridisciplinaires. La recherche du partage des connaissances et des compétences doit être constante en multipliant les sessions en pair par exemple.
Au fond, l’agilité pousse la logique projet à l’extrême. On cherche à ce que chaque intervenant au projet en fasse partie intégrante.